Cas de prévention et de traitement des risques relationnels

  1. Dans le cas qui suit, le traitement d’un problème relationnel existant et aigu a précédé la prévention de risques relationnels ultérieurs. Il en est ainsi dans la plupart des situations, où l’entreprise se rend compte « à chaud » de l’acuité et de la dangerosité d’un conflit, et décide alors de s’en préoccuper dans l’urgence… C’est évidemment mieux que d’attendre le pourrissement, mais on peut espérer que l’avenir montrera une meilleure capacité d’anticipation et de prévention.

Pour traiter le problème posé, nous devions d’abord démêler les fils d’une situation conflictuelle installée et tenace ; montrer qu’il était possible d’en sortir, et proposer alors des voies à suivre pour anticiper et éviter d’éventuelles rechutes.

Le problème posé

L’entreprise emploie une cinquantaine de personnes dans l’industrie du bois. Elle est implantée sur deux sites, en Haute Corrèze et en Périgord. Elle a été rachetée par un manager expérimenté, ayant décidé de se mettre à son compte, mais n’ayant aucune expérience de ce domaine d’activité. Pour cette raison, le nouveau propriétaire a maintenu dans l’entreprise les anciens propriétaires (un couple de quinquagénaires profondément ancré dans le paysage), pensant en faire un atout pour apprendre le métier et être introduit dans le milieu…

coaching de la transmission de l’entreprise familiale

La culture de l’entreprise a été très marquée par l’empreinte de l’épouse, reconnue comme la véritable « patronne », et qui a dirigé les deux sites de façon traditionnelle et autoritaire. Le mari s’était réservé les domaines techniques et l’exploitation forestière.

La relation entre le nouveau propriétaire et le couple s’est rapidement et fortement dégradée, jusqu’à en arriver à de multiples situations de blocage, où la position « perdant/perdant » s’est imposée dans la majorité des cas.

Ma mission s’inscrit dans ce contexte. Peut-on en sortir en évitant que la relation négative ne s’enracine durablement dans l’image et la culture de l’entreprise ?

La mise en œuvre d’une « économie de la relation » pertinente

J’ai proposé de sortir d’une telle situation en engageant deux types d’actions simultanées :

  • D’un côté, identifier et assécher les sources de la relation négative.
  • Et, dans le même temps, ouvrir la voie à la mise en œuvre de schémas relationnels inédits.

Utiliser la notion d’« économie de la relation » implique une démarche globale exigeante, dont l’objet central est d’analyser la relation – positive et négative – et d’agir efficacement sur elles. La démarche induit plusieurs questions-clés :

  1. Quels types de manques ou d’excès font émerger une relation positive ou une relation négative ?
  2. Comment produit-on l’une et/ou l’autre ?
  3. À quels types d’échanges et d’« investissements » ces relations donnent-elles lieu ?
  4. Au bout du compte, quelles valeurs sont poursuivies et éventuellement atteintes par les différents acteurs ?… Ces valeurs justifient-elles ou s’opposent-elles à la poursuite des spirales positives ou négatives ?

Tels sont les éléments majeurs qui ont guidé l’analyse et la recherche de solutions au problème posé. Mon intervention s’est déroulée sur six mois.

Les résultats

L’analyse des « facteurs de production » de la relation négative (information monolithique caricaturale couplée à une forte énergie apparente) a permis de dissocier clairement les motivations et comportements de chacun des anciens propriétaires.

Alors qu’ils paraissaient « faire bloc », le mari et l’épouse obéissaient à des ressorts fortement dissemblables. Dès lors, il devenait possible de briser l’unité négative de façade et d’intervenir séparément sur les deux types de relation: la relation entre l’épouse et le nouveau propriétaire, et celle entre ce dernier et le mari.

En conséquence, la mise en relief des écarts irréductibles entre les positions et les pratiques de l’ancienne « patronne » et celles du nouveau propriétaire, de même  que la clarification des divergences avec le mari, a entraîné le départ ( aussi contrôlé que possible) de l’épouse au bout de (seulement) trois mois.  Quant à celui du mari, il eut lieu, dans un léger apaisement relationnel, six mois plus tard.

Les deux départs se sont accompagnés de règles écrites de communication et de comportement affichées, et appliquées dans l’ensemble de l’entreprise.

Dans le même temps, le nouveau dirigeant et les différents responsables d’activité se sont mis au travail pour constituer une véritable équipe de direction avec un projet partagé et un type de management clair. Cette équipe sachant qu’elle devait aussi se préoccuper de la prévention des risques relationnels ultérieurs.

Le travail réalisé est un traitement d’une situation relationnelle négative, profondément installée. Même réussi, il ne peut connaître de satisfecit, sous peine justement de s’avérer incapable de prévenir les risques relationnels ultérieurs. Pourquoi? Parce que l’information monolithique et caricaturale antérieure est tenace. Elle peut opérer des retours surprenants, surtout couplée à l’énergie de l’hypothèse d’une nouvelle ère, qui ne viendrait pas aussi vite ou aussi facilement qu’on l’imaginait…

Dans la constitution et le fonctionnement de la nouvelle équipe de direction, et dans l’élaboration d’un projet ambitieux qui s’annonce avec une forte énergie et une volonté  d’information diversifiée et approfondie, plusieurs questions délicates se posent :

  • Faut-il favoriser l’émergence d’un brillant « second » ? Ce serait confortable et « reposant » après la période de troubles, mais dangereux pour la cohésion de l’équipe naissante.
  • Comment éviter les dialogues de sourds entre les spécialités enfin « libérées » du joug de l’ancien pouvoir ?
  • Comment créer la convergence des visions et des valeurs entre des acteurs à qui on a toujours demandé d’être des exécutants ?…

Toutes choses susceptibles de bousculer le fragile début d’ouverture vers une économie de la relation positive, et devant donc requérir une forte vigilance et des efforts coûteux en  énergie, information et temps… ,que l’on ne passe pas alors à produire, vendre ou rechercher de nouveaux clients!

On garde l’espoir qu’il y aura des retombées matérielles, mais en attendant, c’est l’ambiance, la qualité de vie au travail, et la valeur en elle-même de la relation positive, qui représentent les seuls résultats « palpables ».

 

Risque relationnel au travail