Établir une « ordonnance du changement » pour une organisation

Un travail sur le changement profond et mobilisateur

L’entreprise qui fait l’objet de l’article a voulu mettre en œuvre pour l’ensemble de ses acteurs une réflexion/action sur l’étendue de la notion et des pratiques de changement.

C’est une entreprise industrielle de taille moyenne (une centaine de personnes), très dynamique et de « bonne technologie », dont la croissance et l’ambition imposent un travail en profondeur sur tous les aspects du changement :

  • pour le fonctionnement interne des équipes,
  • pour les stratégies propres à chaque équipe,
  • et finalement pour la stratégie globale.

Un mot d’abord sur cette « bonne » technologie qui caractérise l’entreprise. Elle est un des leaders mondiaux de la fabrication et commercialisation des tables d’opération et des éclairages qui vont avec. La technologie évolutive de ces produits permet des améliorations, voire des transformations profondes, mais ne fait pas la « Une » des médias… Sans prétendre entrer dans la « haute » technologie, elle nécessite des investissements considérables en matière grise et en expérimentation.

L’excellence technologique s’affirme comme une condition nécessaire de la présence de l’entreprise au niveau mondial. Autant dans les pays riches, que dans des régions moins aisées, mais désirant néanmoins les meilleurs produits pour leurs structures hospitalières, et plus généralement de santé.

Consciente du fait que le changement technologique ne constitue qu’une partie du changement déterminant l’avenir, l’entreprise m’a confié la mission de mettre en œuvre une réflexion globale sur le changement mobilisant l’ensemble de ses fonctions.

La démarche pour mener le changement dans l’organisation

Organiser le changement

Le choix de commencer la démarche avec un groupe de volontaires qui seront ensuite des vecteurs de transmission est apparu comme le plus pertinent. Un petit groupe prêt à s’engager s’est ainsi constitué en réunissant toutes les activités et tous les niveaux hiérarchiques de l’organisation, permettant ainsi d’embrasser les différents angles d’approche du changement.

En nous réunissant une fois par mois, nous tentions d’optimiser l’apport de chacun en évitant toute surcharge :

  • Travail en sous-groupes (3 à 4 personnes) durant deux heures au cours d’une première journée.
  • Travail d’échange et de synthèse en groupe global le lendemain.

La souplesse et la facilité d’expression du petit nombre, alliées à la richesse de la réflexion d’ensemble, ont généré un taux d’absentéisme très faible… D’où la rédaction au bout de 4 mois d’une « Ordonnance du changement » qui comporte 12 « Prescriptions ».

L’intérêt d’une telle « ordonnance » est de trois ordres :

  • Elle échappe à une vision étriquée ou partisane du changement.
  • Elle ne se contente pas de retranscrire une somme de réflexions mais tend à la rendre applicable.
  • Elle ouvre sur une continuité de la démarche pour un enrichissement progressif dans les phases futures.

Pour être présente à l’esprit de chacun, autant dans les grands moments que dans les choses simples du quotidien, l’« ordonnance » est affichée dans tous les bureaux et ateliers de production de l’entreprise.

Voici donc l’« Ordonnance du Changement » :

L’Ordonnance du Changement en 12 prescriptions

I. Les préalables

N° 1 :  Ne pas considérer le changement comme un but en lui-même, mais comme une condition de vie nécessaire dans un monde en mouvement. Les changements incontournables sont ceux qui forgent ou soutiennent la stratégie de l’entreprise.

N° 2 :  Pour le manager: bien définir ce que contient le changement et en expliquer le pourquoi. Appréhender le temps requis pour le mettre en oeuvre. Ne pas hésiter à estimer le temps nécessaire, même si l’incertitude est forte, et s’obliger à évaluer le temps quand on maîtrise l’essentiel des données.

N° 3 : Pour le manager: pas de changement en profondeur sans une bonne dose de conviction personnelle profonde et d’adhésion de l’équipe. C’est un préalable capital pour que ne naisse pas dans l’équipe le sentiment de subir le changement.

N° 4 : Quant à l’équipe, elle ne saurait tout attendre du manager. La volonté majoritairement partagée de l’équipe à l’égard du changement est un préalable nécessaire. Chacun doit pouvoir se dire:  » Si tu veux vraiment le changement, projette-toi vers l’avant avec un regard différent. Un changement réussi dépend aussi de tes efforts ».

N° 5 :  Quels efforts?

Aborder le changement avec un état d’esprit ouvert, sans abandonner son sens critique. Faire preuve d’une attitude constructive et volontaire: être une force de proposition aide grandement à aborder le changement de façon énergique, et à le vivre comme une rupture créatrice.

II. La conduite et le management du changement

N° 6 : La conduite du changement impose que chacun sache aller et comment y aller. D’où le choix d’un Plan d’Action participatif fixant précisément les étapes à suivre.

N° 7 :  La réussite de ce Plan d’Action passe par un subtil dosage entre, d’une part, ce que l’on réclame aux êtres humains et, d’autre part, ce qu’on leur offre en moyens matériels et organisationnels pour avancer. Du bon dosage de ces ingrédients dépend le succès de chaque étape.

N° 8 : Le type de management doit s’adapter à chaque maillon du changement. Au  moins trois types de management doivent pouvoir s’imbriquer.

Au départ, l’impulsion du changement est solide quand elle s’appuie sur un management de type « leadership » clair et déterminé. Il est fortement recommandé d’évoluer ensuite vers un management de type « participatif » pour que chacun puisse assimiler le changement en profondeur. On reviendra séquentiellement au leadership pour maintenir le sens et la perspective… Sans exclure des moments de management « directif » (mais non dictatorial !) pour passer certains caps difficiles, ou quand l’énergie du mouvement faiblit…

N° 9 : La mise en oeuvre des bonnes séquences des trois types de management permet d’atténuer notablement les effets indésirables liés à l’abus ou au déficit de l’un d’entre eux.

III. Prescriptions pour les effets du changement

N° 10 : Pour obtenir les effets « désirés », commencer par mesurer ou au moins estimer rapidement les ressentis internes et externes (clients et partenaires) du changement. Surveiller particulièrement le degré de compréhension, d’adhésion, et de maîtrise des nouveaux fonctionnements.

N° 11 : Accompagner le mouvement par des formations et des soutiens vitaminés, des suivis adéquats, en réalisant des bilans de santé périodiques pour d’éventuelles adaptations, voire modifications, des médications initialement prescrites.

N° 12 : Faire du changement un moyen de développer les défenses et la croissance de l’organisme, ainsi que sa capacité de résistance aux agressions extérieures. Renforcer les valeurs et la culture qui relient l’ensemble des acteurs de l’entreprise pour relever les défis des nouveaux changements à venir.

 

N.B. : Le déficit autant que l’excès de changement nuisent gravement à la santé de l’entreprise.

 

Pour aller plus loin : L’accompagnement au changement en 6 marches

Changement organisationnel